Balade conférence du mercredi 15 juin 2016
APNP, Jean Marie Deladerrière
Société Ramon, Francis Beigbeiger
compte rendu écrit par Francine Touhtchieff
Bagnères, petite Venise des Pyrénées ?
Jusqu’au XIXe, c’est incontestable…. Et aujourd’hui, que reste-t-il de ce passé ?
C’est ce que l’on a cherché, lors de cette balade-conférence. Nous voilà partis à la découverte des traces de ses fontaines, sources, canaux et ruisseaux, avec un groupe des Amis du Parc, dont le thème de l’année 2016 est « l’eau » et guidés par Francis Beigbeder, secrétaire de la société Ramon.
En 1862, l’ingénieur Michelier a fait un avant-projet pour 40 fontaines et 8 jets d’eau à Bagnères (Bdb). Célestin Xavier Vaussenat a été chargé du chantier avant et pendant sa réalisation de 1866 à 1867.
Un dossier de ce Vaussenat a été égaré dans les archives du Pic du Midi. Il a été retrouvé et étudié par Francis Beigbeder en 2014 puis publié dans le bulletin de la société Ramon (consultable à la médiathèque de Bagnères).
M Beigbeder l’a complété par ses propres recherches sur toutes les « eaux froides » pour concocter cette conférence sur les eaux perdues de Bagnères. Il en a écrit un fascicule qu’il publiera prochainement et qui sera disponible à la librairie Auprès de Pyrène (à Bagnères).
Visite en 12 stations d’observation
1) Départ devant les services techniques
– services techniques de la Ville, sortie de Bdb, sur la route de la Mongie = autrefois marbrerie Cantet ;
– observation du point de disparition du Capagau, (cap = tête, agaou = eau) = le Capagau est un canal dérivé de l’Adour, un peu plus en amont (face au lotissement Caubeta) ;
– l’Adourette, dérivée aussi en amont, pratiquement en face, file vers le quartier des 2 ponts (jadis, plusieurs moulins et scieries).
2) Au square Tutzing
division du Capagau en 2 :
– le lit principal qui continue vers la ville, (maintenant sous le trottoir de droite) ;
– un ruisseau qui descendait tout droit, le long de la sous préfecture, et allait dans des prés où paissaient des bovins : « arriu deths boiaus » ;
– place St Martin (rue existe encore) jadis avec un temple (la sous préfecture) dédié à Diane . Autel votif romain de ce temple y a été retrouvé et déplacé tout au long des siècles (aujourd’hui, aux grands thermes) – légende de la vache noire et de Millaris et création de Bdb ici…
– fontaine dans ce square venant de la place d’Albret (voir après).
3) Place Dancla
– appelée le Pouey ou Poey , quartier (jadis hors les murs) des « pauvres » : ouvriers puis espagnols durant la guerre civile de 1936 ;
– est sous le « Podium », monticule de Maintenon actuel, (place forte romaine) ;
– source de la Sare, ou de Muni (« hount deth pè deth puei ») qui alimentait toute la ville car dénivelé relatif sortait de ce podium ;
– place avec une fontaine, une « mare » carrée, le Capagau très large, avec papeterie Boisvel, moulins, scierie (qui devint menuiserie, puis magasin Adour Bricolage, fermé mais encore présent) ;
– au nord du quartier : 2 temples (un anglican, un protestant car beaucoup d’anglais car Bdb a été anglaise depuis Jeanne d’Albret), un pont permettait de passer le canal ;
– au nord, aussi, (entre la rue du temple et la rue Alsace Lorraine actuelles) le moulin Pomès = moulin de l’hôpital qui faisait son blé lui-même. Nansouty qui était très riche l’a acheté ainsi que tout le quartier ! Il y avait beaucoup de prés où il a permis à Bouget de venir étudier les fleurs, plantes et les 1ères expérimentations du museum de botanique débutant au Pic du Midi.
Sa maison est encore dans la rue éponyme, jadis un ruisseau dérivé du capagau y passait.
passage dans la rue de la fontaine actuelle
– fontaine “Journès “, faite par Journès, employé de la marbrerie Géruzet et embauché pour former des sculpteurs. Cette fontaine était hors les murs, sur la place où on achetait le vin hors taxe. La stèle romaine du temple de Diane avait été posée sur l’ancienne fontaine dont il reste le soubassement. La fontaine actuelle (1867) est la 1ère sculpture bagnéraise depuis la stèle romaine ;
– porte sud (portail dessus) ou Porte de Campan (au niveau de la pizzeria). Une venelle y est encore visible : dérivation qui venait de la Nasse et allait aux Coustous.
4) Place des thermes
« l’Aiga Tebia » :
– source dans le vallon du Salut, chaude, qui se mélange avec un ruisseau (sa source est encore visible dans une niche du vallon, avec statue) ;
– on voit l’Aiga Tebia devant le foyer St Frai, (jadis hospice Ste Mathilde) où elle a été canalisée (avant, elle divaguait dans le jardin) ;
– elle va vers les thermes, accueille le ruisseau de la rue de Nantousy et l’Anou qui vient du moulin Pomès ;
– passage devant la statue de Jouvence, (tennis), symbole de Bdb. Le quartier des thermes actuel était, jadis, celui des tanneurs, hors les murs, avec foulons et celui des moulins ;
– les remparts décrivaient un angle droit au niveau du restaurant des Brouches actuel-la Tour Mahourat protégeait les remparts et servait de prison. Détruite en 1865/66.
Les Thermes ou Bains :
– de nombreux thermes existaient à Bdb : jusqu’à 30 bains, plus ou moins grands ;
– les grands thermes actuels ont été créés de 1823 à 1828. (L’Aiga tebia passait le long de ses murs) ;
-les Bains Cazeaux et les Bains Théas ont été remplacés par le musée Salies ;
– les bains du dauphin datent du XVIIIe. Ils sont aujourd’hui incorporés aux grands thermes (à l’arrière) et servent de laboratoire. Un partenariat se met en place avec Versailles pour étudier ces bains.
La cour de Jeanne d’Albret venait, au XVIe, prendre les eaux à Bdb. On suppose que c’est grâce à ça que les troupes de Jeanne se sont arrêtées à Trébons et n’ont fait aucun massacre à Bdb.
– d’autres bains étaient place de Coutillou, place d’Albret, place du marché.
On a vu les « Bains de Pinac » (rue des thermes actuelle) avec bains, et hôtel intégré encore visibles.
Aujourd’hui, seuls les thermes de la Reine sont privés avec soins et hébergement.
Sur la place, la fontaine de la joie (hont dera Joia) alimentait tout le Bourg Vieux. Elle a été remplacée par celle de Soubies en 1876.
5 ) Médiathèque
On revient au moulin Pomès, côté nord, (devant la place de la médiathèque). On y voit encore une des 2 arches par où coulaient les 2 canaux du Capagau, divisé à cet endroit en 2 parties :
– la Nasse qui coulait vers la place du marché ;
– l’Anou, qui allait rejoindre l’Aiga Tebia, place des thermes avant de filer vers Pouzac en se divisant en plusieurs bras : les « Anous ».
Un immense triangle d’eau faisait un grand bassin abreuvoir (emplacement du triangle de jardin actuel, plus petit : voir photo).
On est dans le quartier du Bourg Neuf (Bdb avait 4 quartiers avec chacun un délégué qui votait dans la « Béziau »). On voit la halle du marché, elle s’appelait Place Ramon jadis et avait une fontaine qui a été déplacée derrière la piscine lors de la construction de cette halle.
Le quartier de la médiathèque était appelé « petite Venise » car entre les canaux. L’Anou est encore audible et visible sous une grille, à l’angle de la maison Eugénie. Un projet de la mairie est de la remettre à l’air libre et de restaurer le lavoir privé à l’arrière de cette maison.
La Nasse coulait le long du vieux mur Est, (face à la médiathèque, photo), celui-ci est encore debout. Elle longeait l’hôtel de Venise, les Bains Lanne et allait buter sur les remparts, à la Tour de la Nasse (avancée du mur actuel dans le bâtiment de l’ancienne mairie) car la ville s’est agrandie. Elle tournait alors à angle droit vers l’Est pour rejoindre le ruisseau qui venait direct du Poey (à hauteur de la place Lafayette actuelle, voir plan).
Les Bains Lanne ont été détruits en 1960 pour édifier la médiathèque. Dans les sous sols, ont été trouvés des baignoires en marbre, aménagées aujourd’hui, en fontaine devant la médiathèque.
6) Place de Strasbourg
– c’était la place du bourg « ville » (qui allait de la porte du sud à la porte du nord) ;
– c’était la place du marché aux Herbes avec maison marbrier ;
– grand moulin de Marsas sur la place (boutique de vêtements d’enfants actuelle, dans le fond de la rue du vieux moulin) ;
– la Nasse venait du moulin Pomès, après le coude devant l’ancienne mairie, elle traversait la place Sud/Nord en faisant une grande retenue d’eau (qui a été photographiée lors de l’installation de la fontaine moderne actuelle) ;
– la Nasse se divisait en 2 ;
– elle passait sous le moulin Marsas (et coulait donc sous la maison « Jeanne d’Albret) puis continuait vers l’Ouest, jusqu’à la place d’Albret ;
– un ruisseau filait plein Nord vers la porte nord : Portail Debat où il rejoignait celui qui avait fait le tour aux Coustous ;
– la Nasse a été recouverte au XVIIIe
7) Bas des Coustous
– Coustous : talus au XVIIe, en légère hauteur, planté d’arbres et entouré de murets pour que les animaux qui paissaient dans les prés autour, n’y viennent pas ;
– un des canaux de la Nasse arrivait depuis la place de la porte du Sud et coulait dans les fossés (« barat ») le long des remparts. Quand remparts ont été démolis, les fossés ont été comblés et les commerces construits dessus. La Nasse coule sous les trottoirs (ils ont été vus lors de travaux) ;
– gros moulin Dasté à la place du kiosque actuel ;
– place en bas des Coustous = place où arrivaient les diligences de Toulouse, Tarbes et Lourdes ;
– jet d’eau « La Dame Blanche » en 1865/66 = projet Michelier-Vaussenat. Forme due à un souci de tuyauterie qui ne fonctionnait pas et a coulé naturellement ainsi (alimentée par la source de la Sare du Poey) ;
– autre fontaine jaillissante prévue en contre point, en haut des Coustous : non réalisée.
8) Place d’Albret
On s’y rend en passant par la rue Soutras (école Carnot) qui est récente et a été percée dans le couvent des Jacobins lors de la création de la Halle. Le cloître de ce couvent est la cour derrière l’atelier de poterie, et les éléments de ce cloître ont été démontés et transportés rue des Thermes. La tour dite de l’horloge est le seul vestige du couvent. La rue Limacar, juste après celle de Soutras, doitt son nom (limace) à l’humidité des jardins du couvent…
La rue des Cauterrets (rue de l’horloge) est sur un des ruisseaux de la Nasse. Son nom vient de « chaudron » pourquoi ?
Elle amène à la place d’Albret où on passait le « pont de l’aureta » car la Nasse arrivait là par une venelle encore visible (par un trou de serrure) dans la rue du bourg vieux et tournait vers le nord.
Le moulin Soulet était en partant vers la place des Coutillou. Il est devenu métallurgie, avant que la famille ne parte à Pouzac créer l’usine Soulé
La place d’Albret et ses maisons autour était appelée aussi «de Venise » (Vièr de Venecia)
La Nasse a été recouverte et un parterre de fleurs mis à la place de la vasque existante et de la fontaine à l’extrémité nord (voir photo).
Aujourd’hui, une Vénus moderne a été installée en 2013, alliant le marbre de Campan et le fer.
9) Place d’Uzer
Elle est un carré parfait avec rues qui suivent toutes le même plan, d’ici à la place d’Albret, contrairement aux autres quartiers.
On est dans le Bourg Vieux = peut être est-ce grâce à une légère hauteur entre les lits naturels de l’Aiga Tebia et de l’Anou que ce bourg s’est développé.
Un aqueduc romain a été redécouvert en 2013 lors de la réfection des trottoirs. Il avait déjà été décrit par Jalon qui habitait sur cette place et qui, outré de les voir se faire recouvrir ainsi que les thermes romains, avait dessiné l’ensemble en 1823/25, lors de la construction des grands thermes.
Autour de la place, plusieurs maisons de riches bourgeois :
- celle d’Uzer : plusieurs maires (nommés puis élus) étaient de cette famille.
- celle du seigneur d’Arras (famille Didier-Privat actuelle, proprio aussi du château de Beaudéan et qui en a fait, aujourd’hui, des logements sociaux alors qu’elle devait être démolie car en mauvais état. Restauration lente mais progressive, finie côté nord, sur les anciens remparts…).
Le seigneur d’Arras possédait tout le quartier. Il a été le protecteur des Cagots qui habitaient juste au Nord, après les « Vergès » quartier des métallurgistes (fabrication de faux et même de baïonnettes pendant la Révolution)
10) Places « du Coutillou », Casino et Acquensis
– aujourd’hui place de L Bize et Bd de l’Hypéron ;
– places « hors les murs » ou « devant la Tour » (Mahourat) : avec les « Bains des Lumières » devenus le Casino Frascati (aujourd’hui, maison d’habitation) ;
– le Casino actuel et Acquensis ont été construits à l’emplacement d’un moulin de la famille Ferrère, d’Asté, à la fin XIXe ;
– au pont d’Arras, mélange des eaux de l’Aigue, de l’Anou et des eaux thermales, enfin à l’air libre !
La marbrerie Rivière était juste dans l’angle pont-rue du Martinet actuel = elle avait un martinet (sorte de marteau pilon).
– dans la rue St Blaise, on passe sur ce mélange appelé maintenant «l’Anou» et qui file vers Pouzac.
11) Fontaine Saint Blaise
– quartiers des Cagots, au Nord de la ville pour ne pas « contaminer » les Bagnérais…-fontaine du quartier : fontaine St Blaise (hont san Blas) avec un lavoir, des marches pour y accéder ;
– la fontaine était perpendiculaire à l’axe actuel .
En 1904, la rue St Blaise est percée, la fontaine gêne, elle est détruite et la marbrerie Rivière contigüe fait l’actuelle.
Les cagots, fin XVII et début XVIIIe, demandent à plusieurs reprises, d’être enterrés dans le cimetière communal, dans le couvent (carmel actuel). Cela leur est refusé. Alors, ils font enterrer un enfant sans dire qu’il est cagot, et lèvent de fait, l’interdit..
– la marbrerie Gandhi se trouvait à la place du parking actuel , rue actuelle du général Menvielle.
12) Les Vignaux et la mairie
- Le parc des Vignaux :
Vinhaus désigne non pas des vignes, mais des plantations qui peuvent être vignes mais aussi autre chose. C’est l’ancienne place du marché aux vaches (celui des porcs était au bord de l’Adour)
La gare est inaugurée en 1851, d’où développement du quartier (et embellissement) = la fontaine d’époque est déplacée lors de l’installation du jet d’eau en 1875 (projet Vaussenat) pour être mise sur le mur ouest (les habitants acceptaient de payer les frais de déplacement si besoin)
La hauteur du jet d’eau est du à la dénivellation entre la source de la Sare qui l’alimente et les Vignaux. Un bouchon vient d’être ôté des canalisations (il diminuait cette hauteur).
- La mairie est la maison d’habitation de la famille Costallat/Géruzet, propriétaire de la marbrerie au bord de l’Adour, et de plusieurs carrières de marbre. Cette maison a une fontaine de chaque côté de l’escalier. Dans le jardin, une jolie fontaine avec bassin est toujours là.
Plusieurs maisons bourgeoises avaient une concession privée pour avoir « son eau » chez elles (ici, vu la dénivellation depuis la Sare, l’eau courante pouvait être installée au 1er étage!).
Seule la famille Lacoste conserve aujourd’hui une concession privée, rue Lorry.
La qualité du marbre Géruzet lui a permis d’obtenir un prix à l’exposition parisienne de 1839, ce marbre a servi à la construction de l’Opéra Garnier et de l’Assemblée Nationale et des statues sur le paquebot Normandie.
La marbrerie Géruzet est aujourd’hui la maison communale. Des restes de vannes et machineries sont encore visibles ainsi que le canal de dérivation depuis le pont de l’Adour.
On longe le quai de l’Adour pour retrouver les voitures après le lycée. De l’autre côté de la rivière : le Moulin Dumoret , devenu musée des arts populaires de Bdb puis vendu par la Ville (objets, outils exposés maintenant au musée Salies).
Face au moulin, il y avait jadis les abattoirs. Le tout a été inondé et partiellement détruit, ainsi que la marbrerie, lors des inondations de 1875.
Le long du parapet de l’Adour, caché partiellement par des feuillages, court un énorme tuyau : c’est une canalisation qui vient de la prise de Médous et alimente Tarbes en eau potable.
Conclusion :
Bagnères ne s’appelle plus la « Venise des Pyrénées » car il reste peu d’endroits où les canaux sont visibles même si de nombreuses traces subsistent.
Par contre, les 40 bornes fontaines et jets du projet de Vaussenat ont été installées, sauf le jet qui devait être en haut des Coustous (place Lafayette)
L’alimentation en eau grâce à ces fontaines et l’utilisation des canaux et ruisseaux ont fonctionné pendant 60 ans puis ont été abandonnés pour 2 raisons :
1 – en 1931, une épidémie de typhoïde très importante a décimé la population.
Les bornes fontaines ont été alors retirées au détriment de l’installation « d’une station d’épuration des filtres de Médous » avec javellisation de l’eau et compteur pour les usagers.
2 – l’énergie hydraulique a été supplantée par l’électricité, les canaux n’avaient plus leur utilité…..
Les 4 grandes fontaines (Journès, Soubies, Tutzing et piscine sont toujours présentes, même si 2 ont été déplacées). Enfin, les 2 jets d’eau (Coustous et Vignaux) fonctionnent toujours et sont toujours alimentés naturellement par la source de la Sare.
Carte des anciens canaux de Bagnères en 178